François-Marie Arouet, non de plume Voltaire, est l’un des créateurs de notre société moderne, ayant contribué à libérer le peuple des forces maléfiques de l’Église et de l’État qui ont asservi l’Europe pendant plus de mille ans.
C’était un homme qui croyait à la science et non à la superstition et qui traitait l’autorité avec le manque de respect qu’elle mérite. Il représentait tout ce que j’aime en France par sa défense de la liberté d’expression, de la liberté de religion et de la séparation de l’Église et de l’État. J’admire sa prolifération: il a écrit plus de 2000 livres et 20000 lettres y compris des essais, des histoires, des exposés scientifiques, des romans, des poèmes et bien sûr des pièces de théâtre. Quel talent!
Je suis en bonne compagnie dans mon appréciation de Voltaire. De son vivant, il était admiré par Frédéric le Grand de Prusse, Catherine la Grande de Russie, le philosophe Denis Diderot et son contemporain et rival Jean-Jacques Rousseau. Après sa mort, ses écrits ont influencé de nombreux grands personnages: Napoleon, Victor Hugo, Johann Wolfgang von Goethe, Thomas Paine, Byron et Shelley. Voltaire remet en question le droit divin des rois et propose une approche éclairée avec des droits civils pour tous les citoyens, leur donnant droit à un procès équitable et à la liberté de religion.
La philosophie politique des Lumières a fait disparaître la puissance et la mystique de l’Ancien Régime. Les rois Bourbon ne sont plus considérés comme les représentants élus de Dieu ; ils sont simplement des hommes, corrompus et égoïstes. Les hiérarchies et les inégalités sociales de la France ont été démunie de leurs défenses idéologiques. La France était mûre pour la révolution, qui a commencé en 1789, dix ans seulement après la mort de Voltaire. Un an plus tard, Maximilien Robespierre, dans son discours “Sur l’organisation de la garde nationale”.
Elles porteront sur leur poitrine ces mots gravés : Le peuple français, & au-dessous : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation.
En article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789:
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Telle est la base des libertés de la démocratie moderne que nous considérons aujourd’hui comme acquises.
Pour quelle autre raison j’admire Voltaire ? Pour son courage, son flair et sa détermination. Enfant, il était connu par sa famille sous le nom de le petit volontaire. Jeune homme, il prétendait étudier à Paris en tant qu’assistant d’un notaire afin de répondre aux souhaits de son père de faire carrière dans le droit, mais en réalité, il perfectionnait ses talents de créateur en composant des poèmes. Voltaire savait que son destin était celui d’un écrivain et que personne n’allait l’en empêcher. Ses critiques polémiques du gouvernement lui valent une réponse hostile. Il est condamné deux fois à la prison et passe 11 mois à la Bastille à partir de mai 1717. Plus tard, en 1726, après une dispute avec un aristocrate, Voltaire risque d’être arrêté et emprisonné sans procès, et finit par négocier avec les autorités françaises un exil au Royaume-Uni au lieu de la prison.
Voltaire a profité des deux ans et demi qu’il a passé en Angleterre, où il a côtoyé les intellectuels et la noblesse, Alexander Pope, Jonathan Swift, John Gay, Sarah Churchill, duchesse de Malborough, et a appris à apprécier la monarchie constitutionnelle du Royaume-Uni, qui place la Couronne sous la loi, contrairement à l’absolutisme de la monarchie française.
À son retour, Voltaire a démontré son sens de la finance en faisant partie d’un consortium qui a acheté et exploité la loterie française et qui aurait gagné un million de livres, soit plus de 20 millions d’euros en monnaie actuelle.
Voltaire a passé une douzaine d’années avec Emilie de Chatelet, une mathématicienne au château de Cirey. Ils y étudièrent Newton et Liebnitz, menèrent des expériences scientifiques et firent l’amour, et Voltaire continua à écrire des pièces de théâtre et des essais.
Après la mort d’Emilie en couches en 1749, Voltaire s’est installé en Prusse à l’invitation de Frédéric le Grand et y a passé trois ans, jusqu’à ce que les rivalités locales, avec Maupertuis, le président de l’Académie des sciences de Berlin et ancien rival pour l’affection d’Émilie, lui rendent la vie difficile. En raison de la publication d’une diatribe satirique de certaines théories de Maupertuis, il tombe rapidement en disgrâce auprès du roi de Prusse et certains de ses biens sont même volés par les agents du roi. Il a finalement réussi à quitter la Prusse et à regagner la sécurité de l’est de la France.
Après avoir voyagé en France pendant un certain temps et s’être vu interdire de revenir à Paris par Louis XV, il s’est retrouvé à Ferney où il a vécu les vingt dernières années de sa vie. C’est là, en 1759, qu’il écrivit son œuvre la plus célèbre, le roman satirique, Candide ou Optimisme. Il continua à rédiger ses ouvrages philosophiques et à recevoir des hôtes de marque tels qu’Adam Smith, économiste, James Boswell, biographe, et Edward Gibbon, historien.
Par coïncidence, c’est à Ferney-Voltaire que j’ai travaillé pour la première fois en France en 1987. Ce n’est que maintenant que je sais d’où vient la partie Voltaire du nom et pourquoi !